Le ponticello.

Publié le par jean-yves cordier

 

Le ponticello ("petit pont" ), est le terme italien pour désigner en français le "chevalet" des instruments à cordes frottées :  une "petite pièce de bois percée qui soutient les cordes des instruments à archets".

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Passent les jours et passent les semaines
Ni temps passé
Ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la Seine

Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure

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"Un jour, j'ai perdu mon âme. Je ne l'ai pas vendue, je ne l'aurais pas cédée pour un empire. Non, perdue, évaporée, disparue, pfuit. (On n'imite jamais bien le bruit que fait une âme qui s'en va, et c'est tant mieux.). J'avais beau taper du pied, plus de réponse, personne sous le plancher.

Mon âme, ma moitié, mon tout, mon double, mon Nous !

J'ai perdu pied. Le pied droit."

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Je me souviens que c'est le 16 novembre dernier que, lors d'une prestation de notre chorale du K..., François, le violoniste d'un quatuor Ponticelli, nous expliqua l'origine du nom de leur formation, et nous désigna de la pointe de l'archet cette petite pièce si symétriquement agencée entre les crans des ouïes de leurs instruments,  si délicieusement chantournée, si bien campée sur ses deux jambes, afin de soutenir, en les réhaussant, les quatre cordes de leurs violons, de leur alto, et de leur violoncelle. Ce fut le coup de foudre. Mais pourquoi ? La sonorité du tendre diminutif italien, qui m'évoquait Botticelli ("le petit tonneau"), ou les vermicelles ?

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Ce mot que je découvrais  renversa d'un coup l'entonnoir obscur dans lequel mon être inanimé planait sans parvenir à se réparer  et je tombai, boum, réveillé brutalement, jeté comme un dé sur la scène où nous étions rassemblés. Cette lamelle d'érable, bien moins de 10 cm, 5 grammes peut-être, fine comme tout, allait me réapprendre à vivre.

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C'est que, voyez-vous, ce petit personnage aux allures de divinité pré-inca possède deux pieds, comme vous et moi, mais tandis qu'il appuie du pied gauche sur la barre d'harmonie, longue tige fuselée collée sous la table, son pied droit communique les vibrations des cordes aigues (mi pour le violon, la pour le violoncelle, etc.) à un cylindre coincé en dessous. Qui se nomme l'âme. Faire du pied à mon âme pour la ressusciter,  c'est là ce qui me plaisait, même si je ne le savais pas encore.

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Au premier plan, c'est le cordier, un de mes hétéronymes.

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Coupe de la caisse d'un violon, Wikipedia, par Lemen.

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Le dieu-roi Naymlap sur un couteau (tumi) de la culture Lambayeque

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Clef d' Ut transformée en citrouille par la fée Cassiopée et renversée sur le dos : elle ne peut se redresser et ressemble déjà un peu à un ponticello.

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"Pendant des années et des années mon âme était restée bien coincée sous la table d'harmonie, juste en arrière de mon pied droit, et si vous aviez vu comme on s'entendait, comme on vibrait ensemble, dès que la corde de mi, la corde de bibi, nous transmettait ses émotions !  Elle collait à mon jeu, elle était attentive à mes moindres intonations, et tape du pied frappe des mains claque des doigts la salle se mettait si bien à danser qu'on venait de loin dans la province. Nous n'étions plus deux de chaque coté de mon plancher d'épicéa (son plafond à elle), nous étions réunis et parce que c'était elle, parce que c'était moi, parce que c'était elle, parce que c'était moi, prêchi prêcha il n'y eut plus ni toi ni moi mais un duo, même pas, un Uno du tonnerre. Ah que la vie est belle ! 

Mais un jour, j'ai perdu mon bras droit, ma jambe droite, à force de trop tirer sur la corde, de trop chanter, et  de vivre trop haut. Crac boum hue, patatras ! Et voilà que mon âme, par le même coup, s'est libérée, a glissé, s'est fait la malle sans se faire mal, par les ouïes. Oui oui oui. Ah que la vie est brève!"

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Ayant été  apprivoisé par un chevalet, par un drôle de petit bonhomme mi-homme, mi-oiseau,  mon âme allait-elle se remettre à vibrer, non pas divinement (j'étais convalescent, je devais faire mes gammes) mais en harmonie avec celle d'un cosmos soudain irradié d'émotions ?  Serait-ce dans mes cordes ?

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Photo lavieb-rêve.

Photo lavieb-rêve.

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La mort dans l'âme, j'étais devenu un rigolo hémiplégique, les mains sur les hanches comme un marin descendant-roulant cahin-caha vers le p'tit pont Gueydon, à Recouvrance, pour toucher sa pension d'unijambiste. 

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Pont de Recouvrance Wikibrest

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Chez nous, outre les pompons (couleur garance), les ponts ne manquent pas : pont de l'Harteloire au dessus de la Penfeld, de l'Iroise et de Landerneau au dessus de l'Elorn, pont de Térénez au dessus de l'Aulne, et tous me rappelaient  nos bras réunis et nos mains qui se rejoignaient.

Et tous me rappelaient les ponts sur la Seine, que nous avions quitté jadis pour rejoindre la mer. 

Et voilà qu'aujourd'hui la mer efface sur le sable les pas des amants désunis, voilà l'amour qui s'en va comme cette eau courante,  ni temps passé ni les amours reviennent, te souviendrais-tu du Pont Neuf et de la Samaritaine, avec sa pompe, quand nous nous enlacions quai de la Mégisserie, et  passaient les jours et passaient les semaines ?

— Menteur ! Nous avions vu le tableau de Raguenet au Musée Camondo, juste après notre visite du musée Cernuschi ! Entre deux confinements! Le "Canaletto parisien" !

— C'est pour la transition.

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Le ponticello.

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"Et te souviens-tu de Venise où nous ne sommes jamais allés, mais si, si souvent sur le Rialto et le Ponte dei sospiri,

te souviens-tu de la Lugubre gondola de Liszt, qui doit se jouer marcato, "bien marqué" dans sa marche vers l'Ile des Morts, et qui me troubla comme un pressentiment,

te souviens-tu de notre visite d'un remer,  l'atelier d'un forcolaio, où se fabriquait les fourches d'appui des rames des gondoliers — leurs dames de nage comme tu fus la mienne —, les forcole, te souviens-tu de leurs formes contournées si proches de mes découpes ? L'atelier il forcolaio Matto, calle seconda dell Christo était tout vibrant des fibres des plateaux de noyer centenaires venus de Yougoslavie! Ou de l'atelier de Paolo Brandolisio, Calle Corte Rota près de l'Arsenal, son travail à la plane et l'herminette, et le parfum du bois qui nous enchantait ? Ou de celui de Saverio Pastor, au bord du Rio de la Fornace, au Dorsoduro ?

te souviens-tu du frottement de la rame sur le mors (morsi) faisant vibrer le bois lorsque la pelle formait, dans les dédales sombres des canaux, des ronds dans l'eau ? Et de son chant lorsque le gondolier amorçait un virage, accélérait l'allure, ou négociait une marche arrière, dans le silence de nos mains jointes ?

Et nos amours
Faut-il qu’il m’en souvienne
La joie venait toujours après la peine"

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"Et à quoi rêvions-nous ma chérie te souviens-tu bien-sûr  à quoi rêvions-nous dans nos embrassements et les trémolos de nos voix ? Aux enfants !

Chaque enfant n'est-il pas un ponticello, un petit pont entre son papa et sa maman, avec parfois des bras tendus qui ne trouvent pas leurs rives ?

Mais qu'importe, ils  chanteront tous  Passe, passe, passera  en défilant sous les bras de leurs ami(e)s : Nous la rattraperons, la p'tite hirondelle. "

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— Voici en tout cas onze gaillards prêts à constituer une solide équipe de football. Comment t'as fait ?

— J'ai pris des jetons dans ma boite de Nain Jaune.

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Photo lavieb-rêve.

Photo lavieb-rêve.

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"Mais tu es partie ma belle, j'ai perdu mon bras droit, j'ai perdu mon Uno, ma p'tite hirondelle, et chez nous les "petits ponts", une jambe de cassée ne se recolle pas : les cicatrices nous empêchent de vibrer."

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L'unique solution, c'est de se renouveler du tout au tout. De repartir à zéro. Le zéro, pour nous autres les chevalets, c'est un érable sycomore des forêts de Yougoslavie (Bosnie-Herzégovine), en altitude à plus de 900 mètres. Un bois à la fois très léger et très résistant. Il faut partir de là, de la lente croissance d'un érable ondé et maillé, comptez 200 ou même 300 ans.

L'érable sycomore, Acer Pseudoplatanus est un bois d'un blanc nacré, blond  ou rosé, à petites mailles ocrées brillantes.

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Il n'est ondé qu'une fois sur mille, et ce n'est lié ni à la génétique, ni vraiment à la nature du sol. Mais ses ondulations ne se croisent jamais, ce qui rend le tronc utilisable de bout en bout. En passant le doigt entre l'arbre et l'écorce, on peut sentir des petites ondulations (visible sur la photo), sinon on le sonde par flachis (en ôtant l'écorce). 

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L'espacement des ondes, s'il est constant pour un arbre donné, peut varier de quelques millimètres à plus d'un centimètre selon les cas. Elles sont parfois très fines, parfois très accentuées. Elles sont verticales, axiales ou tangentielles.

 

 

Une vente annuelle de bois précieux se déroule chaque année à Bubendorf,  en Suisse (Bâle-Campagne). Une bille de sycomore ondé de 120 ou 150 ans coupée à Pleigne dans le Jura s'y est vendue aux enchères en 2020 11 600 francs (suisse), alors qu'un érable standard coûtait 150 francs. Ses ondulations allaient jusqu'au cœur. Deux billes coupées dans la forêt de Baroche ont été vendues en 2019 aux prix de 7003 à 8265 frs le m3. En 2020, un sycomore découvert par surprise dans une forêt de l'Ain a été vendu à Montmorot (Jura) 415 € pour deux m3. Chiffre peut-être erroné car la valeur est évaluée entre 2000 et 8000 € le m3. Contre 40 € en bois de chauffage.

 

Il est recherché dans les industries de luxe pour le placage des tableaux de bord des voitures  (certaines...), ou la marqueterie des yachts prestigieux. Ou pour certains meubles vraiment exceptionnels. Et, hormis pour les chevalets, par les luthiers pour les instruments du quatuor, ou certaines guitares de jazz en raison de son caractère dynamique et clair répondant aux fréquences médium aigues. 

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Puis le tronc, choisi sur pied et à l'oreille par le luthier fabriquant de chevalets après quelques flachis de martelage recherchant les précieuses ondulations,  est débité en grumes, celles-ci sont  transportées par exemple à Mirecourt (Vosges), chez Aubert, ou à Gimont (Gers) chez Despiau, où elles seront tronçonnées. En hiver, à sève descendante, et en fonction du cycle lunaire.

 

Les tronçons sont fendus en quartiers, et les tranches de ceux-ci sont non seulement examinées (pour vérifier la régularité des mailles) mais aussi frappées pour les entendre  (Nicolas Despiau considère que la musique de ses chevalets est déjà présente dans l'arbre). Car nous avons affaire à un "bois de résonance", une aristocratie réservée aux luthiers.

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Enfin, les quartiers vont être séchés 5 ou 6 ans, taillés, poncés, détourés pour aboutir à des gabarits de différentes tailles. Pour la largeur du pied, cela va de 35 mm (violon 1/8) à 41,5 mmm (violon 4/4, puis de 44 à 52 mmm et pour les violoncelles de 88 mm à 10 mmm. Le poids moyen sera pour un violon de 3,5 g.

En 1982, Aubert achetait 25 tonnes de bois par an pour n'en utiliser finalement que deux tonnes pour les chevalets, le reste partant en chutes, sciure et copeaux, car le bois doit être exempt de tout nœud, toute déviation des fibres.

Deux schémas du site Despiau expliquent cette exigence :

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Bois de qualité médiocre.

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Bois de bonne qualité

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Une visite chez Aubert à Mirecourt.

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 À Mirecourt, l'entreprise Aubert, spécialisée dans la fabrication de chevalets, a été créée en 1865 par Emile Aubert, lequel n'a pas hésité à acheter un moulin pour produire l'énergie nécessaire à sa production. L'atelier, situé à proximité immédiate des luthiers, a pu faire évoluer l'acoustique de ses chevalets en fonction de leurs attentes.

 

L'entreprise a connu des difficultés à la fin du XXe siècle, avant d'être reprise par Bernard Maillot en 1996. Elle est aujourd'hui numéro 1 dans le monde, avec une production de 250 000 à 400 000 pièces par an, et emploie, pour le seul atelier "chevalets", dix ouvriers.

Louis Jeandel (1895-1984) a repris l'entreprise de son grand-père Aubert  de 1922 à 1984 ; c' était alors la seule entreprise de fabrication de chevalets en France. C'est lui qui a su faire évoluer les procédés de fabrication en aménageant un parc de machines performant. La production était en 1926 de 300 000 chevalets par an avec une dizaine d'ouvriers. Son témoignage a été recueilli en 1982 par l'ethnologue Hélène Claudot-Hawad. Les chevalets étaient alors produits à la main, en passant par 24 opérations différentes, en utilisant la scie à chantourner, une petite gouge  et surtout le "canif", un outillage fabriqué sur place. On ne maniait convenablement ces canifs qu'après un long apprentissage (3 ans), mais il fallait plutôt dix ans pour maitriser le métier, avant de devenir un véritable artiste de son canif, qui s'était fait à sa main. À partir de la pièce de bois, venait le traçage, puis la découpe des pieds, des "dehors de pieds" , des entailles de genoux,  l'échancrage des ouïes au canif, l'ouverture des ouïes à la scie, la découpe de la largeur des pieds, et enfin la finition du pont à la fraise.  " D'ailleurs, les autres accessoires, comme les chevilles et les cordiers, étaient fabriqués aussi à la main. La profession se distinguait par son esprit frondeur, joyeux, libre-penseur mais engagé politiquement et anticlérical.

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Le prix.

Même chez Despiau ou Aubert, il  dépasse rarement une trentaine d'euros. Despiau classe sa production selon la qualité du bois : un arbre, deux arbres, et le best "Supérieur", trois arbres.

Mais on en trouve en qualité très médiocre pour un ou deux euros. Roth & Junius, ou made in China.

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Où je me procure quelques chevalets déclassés.

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Ces chevalets en sycomore ondé avaient vraiment des propriétés extraordinaires ("les ondes qui guérissent" ou quoi ?), puisqu'ils ont su m'ensorceler et entrer en résonance avec une aspiration intérieure que je ne percevais même pas. Comment en obtenir au moins un, le tenir dans mes mains, l'écouter, me brancher sur ses mystérieux pouvoirs d'empathie ?

Puisque je prenais des cours d'initiation au chant, (et qu'il y avait dans la pièce, au dessus du piano, une affiche montrant un chevalet de violoncelle), je demandais à ma prof, Catherine. Elle avait réponse à tout :  "Tu n'as qu'à demander à Art et Musique !"

L'affiche en question :

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Art et Musique, c'est, à Brest dans la petite rue Ducouedic,  un magasin connu par tous les musiciens de la région. Tout près de la rue de Siam, tout près de la gare de départ de notre célèbre téléphérique qui permet de franchir, sur un pont de câbles, la Penfeld. 

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La porte franchie, j'exposai ma demande saugrenue au luthier qui travaillait devant un minuscule atelier. Et je voyais étalés sur celui-ci, ou suspendus en ribambelles, ou réunis dans des sachets, plus de chevalets que je n'en avais jamais vu (bon, d'accord, je n'en avais vu qu'un seul!). Au lieu de me mettre dehors, il me demanda de revenir deux semaines plus tard, et un beau jeudi matin, il me remit un petit sac rempli de trésors.

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Voyons voyons, qu'ai-je dans ma cassette ? Trois chevalets de violoncelle, dont deux ont la jambe brisée, tiens tiens. L'un porte la marque BERNARD KAIGRE. C'est un luthier de Nantes, qui, d'ailleurs, a mis en ligne des photos où on le voit tailler un chevalet. De violon. On le voit aussi introduire l'âme en épicéa par les ouïes avec un instrument au nom charmant "la pointe aux âmes", et à la forme en f très élégante. Summum  de l'ancillaire spécialisée !

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Pointe aux âmes

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L'espacement entre les pieds est de 80 mm, la hauteur de 85 mm, la largeur des pieds de 22 mm. Pas de trace d'usure. 

La photo montre bien les lignes ocres, parallèles et longues sur les jambes, mais qui deviennent punctiformes et plus désordonnées lorsque le chevalet a été poncé pour être affiné : l'épaisseur passe de 9 à 10 mm aux pieds à 3 mm sur l'arc des cordes. Toute la moitié supérieure est chanfreinée.

 De profil (pas de photo, dommage) on voit que le chevalet est un peu convexe du coté non marqué (et non poncé), cela signifie-t-il qu'il s'est vrillé ce qui a imposé sa mise à la réforme . On voit aussi que le ponçage d'affinage n'a concerné que la partie marquée, qui, je suppose, était tournée vers le cheviller.

Chacune de ces pièces devra  me raconter l'histoire de sa vie pour me tenir compagnie et me consoler du départ de mon aimée. Ce serait une version des  Mille et Une Nuits, où ces chevalets, tels des janissaires, allaient devoir me distraire dans cette gare où j'attends le dernier train. Qu'ils me narrent toutes leurs campagnes, leurs faits d'armes, mais aussi leurs défaites.  S'ils m'ennuient, s'ils se taisent, s'ils sont incapables de susciter ces vibrations qui sont ma raison de vivre, je leur tranche la tête.

—Euh, ils n'en n'ont pas...

— Qu'importe, je trouverais bien quelque chose à couper.

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Photo lavieb-rêve.

Photo lavieb-rêve.

Chevalet Bernard Kaigre, don Art et Musique, Brest. Photo lavieb-rêve.

Chevalet Bernard Kaigre, don Art et Musique, Brest. Photo lavieb-rêve.

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Les deux autres chevalets de violoncelle sont mes unijambistes. L'un porte la marque AUBERT Made in France. Je suis un peu déçu, j'aurais aimé avoir l'inscription AUBERT MIRECOURT et les étoiles, dans un ovale. Je pourrais peut-être l'échanger à la récréation, avec des Pokemon en plus.

79 mm de large, 85 mm de haut. On désigne, en équipement routier et fluvial, la hauteur sous le tablier d'un pont par le terme de "gabarit" ou "hauteur libre sous ouvrage". Elle est ici de 34 mm, ce qui peut être utile pour  un voilier désirant naviguer sur ces ondes.  Attention, c'est plus bas que pour la pièce précédente.

La pièce n'est pas usée malgré son pied cassé, mais elle est très très légèrement torve, convexe vers le manche. Mais alors très peu. 

Elle a le même motif de cœur que le chevalet Bernard Kaigre : un cœur dont les oreillettes s'invaginent dans la cavité en une jolie queue de sirène. L'élégance féminine est secrète et introvertie. En voilà un qui m'a compris. Et qui conserve un pragmatisme foncier, car ce retroussis peut former une patère bien pratique.

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Photo lavieb-rêve.

Photo lavieb-rêve.

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Le troisième a bien joué, bien vécu et bien souffert : marques de colle, traie de scie. Les passages des cordes de la et de mi ont été renforcées par des pontets blancs dont j'ignore la matière. Il a le même motif de cœur à accroche-cœurs que les précédents : est-ce le logo des violoncelles ?

Chez Milostamm à Hambourg, tous les chevalets de violoncelle ont ce motif, et cette forme générale. Et tous les chevalets de violon le même motif et la même découpe que ceux qui vont suivre.

C'est encore la partie antérieure (vers la touche) qui est poncée. J'apprends donc que telle serait la règle.

J'observe aussi que la portion d'arc des cordes n'est pas symétrique : elle est plus basse vers  les cordes aiguës. Autre règle. Bien visible aussi sur le modèle Kaigre. Ces matelots ont l'épaule droite plus basse, à force de porter leur sac.

Il mesure 85 mm de haut.

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Photo lavieb-rêve.

Photo lavieb-rêve.

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Je me souviens maintenant d'un arrière-grand-père qui construisait des ponts. Je le retrouve sur Geneanet : Urbain Henri Cordier, élève de l'Ecole des ponts et Chaussées,  Inspecteur général des Ponts et Chaussées. Il n'épousa ni une dame Chevalet, ni une dame Touche, ni une dame Chevillier, mais il aimait les arts puisqu'il fut trésorier des Amis de l'Art de l'Eure. On lui doit le pont des Andelys, à Louviers, et la reconstruction du pont de Figeac sur le Célé. 

Paix à son âme, ou ce qui lui en restait : il resta veuf pendant sept ans, et mourut à 65 ans.

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Je possède ensuite six chevalets de taille moyenne (35 mm de haut). Trois portent une marque : AUBERT, BAUSCH et DOEKY (?). Tous ont la même découpe. Louis Jeandel raconte que les "patrons" étaient bien plus diversifiés au début du XXe siècle, mais qu'ils ont fini par se ressembler, pour simplifier le travail de l'ouvrier, et parce que les clients ne demandaient pas autre chose.

Seul sans doute l'œil d'un luthier verrait une différence.  Ou plutôt son oreille. Le luthier d'Art et Musique (je n'ai pas osé lui demander son nom) m'a montré un chevalet chinois et il lui semblait évident que le défaut de qualité sautait aux yeux. 

La marque BAUSCH était jadis celle d'un luthier allemand de grande qualité. Ce n'est plus le cas.

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Viennent ensuite des chevalets plus petits, de 24 à 35 mm de haut. L'un porte la marque AUBERT *** dans un ovale (il est fendu à mi-corps et a été recollé), l'autre AUBERT made in France, et un autre DRESDEN. Là encore, le contour et les motifs sont quasiment les mêmes. L'un a les deux pieds brisés.

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Photo lavieb-rêve.

Photo lavieb-rêve.

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Et voici la farandole des joyeux compagnons : Eho, eho, en rentrant du bouleau de l'érable!

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Photo lavieb-rêve.

Photo lavieb-rêve.

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SOURCES ET LIENS.

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https://lejournaldugers.fr/article/38452-saga-la-famille-despiau-major-en-chevalets

https://www.despiau-chevalets.com/fr/

— ARBOGAST (Michel), 1992, « L’Érable à fibres ondulées : ressources, critères de reconnaissance. » Revue forestière française, AgroParisTech, 1992, 44 (S), pp.160-175. ff10.4267/2042/26374ff. ffhal-03444099f

https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03444099/document

— JEANDEL Louis, 1982 – « Un fabricant de chevalets retrace la vie des ateliers de Mirecourt du début du XXe siècle aux années 1980 ». Mirecourt, 1 cassette : 1h25 min, n°3496. https://phonotheque.hypotheses.org/8394

CLAUDOT-HAWAD (Hélène), 2014, . "La guerre autrement : apprentis luthiers à Mirecourt entre 1914 et 1925",  Musée de la lutherie et de l’archèterie françaises. La musique malgré tout, Musée de la lutherie et de l’archèterie françaises, pp.55-71, 2014, 978-2-9527312-0-1. ffhalshs-01026134

https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01026134/document

CLAUDOT-HAWAD (Hélène), enquêtes pour la phonothèque MMSH

https://phonotheque.hypotheses.org/tag/louis-jeandel

WIKIPEDIA

https://fr.wikipedia.org/wiki/Chevalet_(musique)

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